Le statut des baux commerciaux présente des avantages considérables pour le locataire, et notamment une relative stabilité se caractérisant par le droit au renouvellement de son bail, ce que l'on appelle "la propriété commerciale". En principe, les parties n'ont ni le pouvoir de convenir de l'application de ce statut, très protecteur pour le locataire, ni celui de l'écarter. Il existe toutefois deux possibilités de dérogation : la convention d'occupation précaire et le bail de courte durée.
Entreprises concernées
Les entreprises qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale.
L'immeuble doit donc servir à l'exploitation d'un fonds de commerce ou artisanal ou, depuis le 6 août 2008, à l'exercice d'une activité libérale.
Attention ! La conclusion d'un bail commercial n'est possible que si le local est affecté administrativement à l'exercice d'une activité professionnelle (commerciale, artisanale ou libérale).
Le régime des baux commerciaux
La forme du bail
Théoriquement, aucune forme particulière n'est exigée pour la validité du contrat de bail. Cependant, le bail verbal est totalement déconseillé car il pose des problèmes de preuve quant à son existence et quant à son contenu.
La durée du bail
La durée minimale est de 9 ans. Il peut être plus long mais ne peut avoir une durée indéterminée.
Le montant du loyer
Les parties fixent librement le montant du loyer, ainsi que la périodicité et le mode de paiement.
Le loyer peut être d'un montant fixe ou variable. Tel est le cas :
si une clause-recettes est insérée dans le bail. Le loyer est alors déterminé par un pourcentage du chiffre d'affaires et varie selon le niveau de ce dernier. Les parties peuvent prévoir un minimum garanti au bailleur,
si une clause d'indexation (ou clause d'échelle mobile) est prévue dans le bail. Dans ce cas, le loyer varie selon un indice choisi par les parties : en général, l'indice du coût de la construction publié par l'Insee ou l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC).
Le loyer peut faire l'objet d'une révision triennale, la hausse consécutive ne pouvant excéder la variation de l'indice retenu et la valeur locative.
Le loyer révisé n'est pas soumis au plafonnement si les conditions suivantes sont satisfaites :
On constate une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (ex. : augmentation globale de la population, transformation du quartier à la suite de la création d'une zone piétonne, etc.).
Cette modification doit avoir entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
Par ailleurs, le locataire peut être amené à verser au bailleur un dépôt de garantie au moment de la conclusion du bail. Cette somme vise à garantir le bailleur de la bonne exécution du bail. Elle sera remboursée au locataire quand il quittera les lieux et s'il a rempli toutes ses obligations contractuelles. Le montant du dépôt de garantie est fixé librement par les parties mais si ce montant excède deux termes de loyer, le dépôt de garantie est alors productif d'intérêt.
L'activité pouvant être exercée dans le cadre d'un bail commercial (destination des lieux)
Le locataire ne peut exercer dans le local commercial que l'activité ou les activités autorisées dans le bail.
Une modification partielle ou totale de l'activité nécessite de respecter une procédure particulière : "la déspécialisation".
La résiliation du bail
Le locataire peut, sauf clause contraire du bail, le résilier à l'expiration d'une période triennale (c'est pourquoi on emploie couramment l'expression "bail 3-6-9").
A noter que la loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009 prévoit que les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme sont fixés pour une durée minimale de 9 ans sans possibilité de radiation à l'expiration d'une période triennale.
Le congé est donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins 6 mois l'avance par acte d'huissier. Ainsi un délai de six mois minimum doit être respecté auquel s'ajoute un délai nécessaire pour atteindre la fin du dernier jour du trimestre civil.
Exemple : si le préavis est donné le 4 avril 2009, il prendra effet le 31 décembre 2009 (délai de six mois : du 4 avril au 4 octobre, auquel s'ajoute le délai nécessaire pour atteindre le dernier jour du trimestre civil).
Le locataire n'a droit dans ce cas à aucune indemnité.
Il peut, d'autre part, résilier le bail à tout moment en cas de retraite ou d'invalidité.
Le bailleur a la même faculté dans les mêmes conditions de forme ou de délai s'il désire construire, reconstruire l'immeuble existant, le surélever ou exécuter des travaux de restauration immobilière.
Le droit au renouvellement du bail
Le droit au renouvellement est une des principales caractéristiques du bail commercial.
Pour qu'il y ait renouvellement et donc signature d'un nouveau bail de 9 ans, il faut que l'ancien ait pris fin.
Pour prétendre au renouvellement de leur bail commercial, le locataire doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants, ou au répertoire des métiers (RM) pour les artisans. Cette immatriculation doit être effective :
- à la date du congé délivré par le bailleur,
- à la date de demande de renouvellement du bail et au moment où le bailleur donne sa réponse.
Conséquence : une personne dispensée d'immatriculation au RCS ou au RM, peut bénéficier des dispositions du bail commercial lors de la conclusion du bail. Mais, pour prétendre au droit au renouvellement de son bail, elle doit justifier de son immatriculation au RCS ou au RM.
Si le locataire ou le propriétaire ne manifeste pas sa volonté de renouveler le bail, l'ancien bail se poursuit tacitement.
Dans ce cas, si le bail se poursuit au-delà de 12 ans, le loyer n'est plus plafonné mais fixé d'après la valeur locative du local.
La procédure de renouvellement est la suivante.
A l'initiative du propriétaire
L'offre de renouvellement est faite sous forme d'un congé qui doit impérativement être signifié au locataire par huissier (au moins 6 mois avant le terme du bail). Il fixe les conditions de renouvellement.
Le locataire peut adopter plusieurs attitudes :
- Il garde le silence, qui vaut alors acceptation.
- Il accepte expressément le renouvellement et le montant du loyer.
- Il accepte le renouvellement mais conteste le montant du loyer : le litige est alors soumis à une commission départementale de conciliation.
A l'initiative du locataire
Si le propriétaire n'a pas offert le renouvellement du bail à son locataire, ce dernier peut le demander, par exploit d'huissier, dans les 6 mois qui précèdent l'expiration du bail ou à tout moment au cours de sa reconduction.
Il faut que la demande indique sous peine de nullité la mention suivante : "Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent".
Le propriétaire peut adopter plusieurs attitudes :
- Refuser le renouvellement en offrant une indemnité.
- Accepter le principe du renouvellement (en cas de litige sur le montant du loyer, la commission de conciliation peut être saisie).
- Garder le silence : acceptation tacite.
Le montant du loyer lors du renouvellement
Le prix du nouveau loyer est fixé par référence à la valeur locative en appliquant un système de plafonnement.
Si la valeur locative du local est inférieure au montant du plafond, le montant du nouveau loyer doit être fixé à la valeur locative.
Le plafonnement fait référence, au choix des parties, à l'indice du coût de la construction ou à l'indice trimestriel des loyers commerciaux, publiés par l'Insee.
L'indemnité d'éviction
Lorsqu'en fin de bail, le propriétaire ne souhaite pas le renouveler, il est tenu de verser au locataire une indemnité d'éviction. Cette indemnité est variable en fonction des conséquences de ce refus de renouvellement pour le locataire (perte de la clientèle ou non). Dans la plupart des cas, l'indemnité correspond à la valeur vénale du fonds.
Cependant, lorsque la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur du fonds, en raison par exemple de la situation exceptionnelle du local, c'est cette valeur (droit au bail) qu'il convient de retenir (arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 1992).
Le locataire dispose d'un délai de 3 mois à compter du versement de l'indemnité pour quitter le local.
La cession du bail
Les clauses interdisant au locataire de céder son bail sont nulles, lorsque la cession porte sur l'ensemble des éléments composant le fonds de commerce.
La nullité de la clause ne joue pas lorsqu'elle s'applique à une cession du seul droit au bail.
La sous-location
Toute sous-location totale ou partielle est interdite sauf :
lorsqu'une clause du bail l'autorise,
ou, lorsque le propriétaire donne son accord ultérieurement (par lettre ou avenant au bail par exemple).
Le locataire doit, d'autre part, faire intervenir le propriétaire à l'acte de sous-location.
Références
Articles L145-1 et suivants du code de commerce
Trois baux essentiellement régissent les activités commerciales, professionnelles et industrielles pour la location des différents locaux : commerces, bureaux, entrepôts, ateliers etc.
1- Bail commercial (connu sous l’appellation 3.6.9)
2- Bail dérogatoire
3- Bail professionnel ou bail mixte
PRINCIPAUX CARACTERES
1- LE BAIL COMMERCIAL
Droits du locataire :
- partir tous les 3 ans moyennant généralement un préavis de 6 mois
- il a la propriété commerciale (peut donc revendre un pas-de-porte ou droit d’entrée)
- il a la charge de l’entretien de son local
Droits du propriétaire :
- Revoir les conditions du bail à l’issue des 9 ans
- Eventuellement, et sous certaines conditions, reprendre son local en versant au locataire une indemnité d’éviction, calculée sur l’évaluation du préjudice subi par le locataire.
2- LE BAIL DEROGATOIRE
Le bail dérogatoire
Un bail hors statut mais autorisé pour une courte durée
Souvent appelé bail précaire de manière impropre, le bail dérogatoire est prévu et réagi par l’art. L 145-5 du Code de commerce. Il se distingue de la convention d’occupation précaire, qui n’est admise que dans d’étroites conditions.
Pour qu’il échappe au statut, le bail doit être conclu pour une durée déterminée, au maximum de deux ans. Dans le contrat à régulariser, idéalement dès son intitulé, il convient de préciser qu’il s’agit d’un bail dérogatoire régi par l’art. L 145-5 du Code de commerce.
Les baux successifs :
Le principe. Il est possible de régulariser des baux successifs si la durée totale de la location ne dépasse pas deux ans. Mais, lorsque la location atteint deux ans (suivant bail conclu pour cette durée ou baux successifs), le locataire bénéficie du statut en cas de conclusion d’un nouveau bail.
Le tempérament. La règle est écartée si le locataire signe un nouveau bail dérogatoire comportant une clause expresse, précise et non équivoque, par laquelle il renonce au droit de bénéficier du statut (Cass. 05.04.2011). La renonciation peut résulter d’un acte distinct (Cass. 03.05.2012).
La condition. La renonciation du locataire n’est valable que s’il a acquis le droit de bénéficier du statut. À ce titre, lorsqu’un second bail dérogatoire est signé avant l’expiration d’un premier bail, il peut être requalifié en bail soumis au statut. Il importe peu, à cet égard, qu’il ait été conclu pour une activité différente (Cass. 3e civ. 31.05.2012).
Conseil. Pour un nouveau bail de deux ans, celui-ci doit donc régularisé (avec clause de renonciation) après l’échéance du premier.
Où le statut peut aussi s’appliquer
Si le locataire reste dans les lieux sans opposition : À l’issue d’un bail de deux ans (ou de baux successifs atteignant deux ans), si le locataire continue d’occuper les locaux et est « laissé en possession », il s’opère alors de plein droit un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
Pour empêcher un locataire de se prévaloir de cette règle, un bailleur se doit de lui délivrer en temps utile un « congé » lui rappelant d’avoir à quitter les lieux au terme du bail, puis d’agir très vite (commandement et référé-expulsion). Ainsi, là où un bail expirait un 31 décembre et où le bailleur ne s’était opposé au maintien dans les lieux que le 22 janvier suivant, il a été jugé qu’un nouveau bail soumis au statut s’était opéré au 1er janvier (Cass. 3e civ. 13.06.2012).
Côté bailleur. Pour une raison où une autre, un bailleur peut avoir lui-même intérêt à se prévaloir du statut des baux commerciaux, là où le locataire se maintient dans les lieux. Si celui-ci conteste ensuite l’application du statut, c’est alors à lui de prouver une « renonciation non équivoque du bailleur » à s’en prévaloir (Cass. 3e civ. 23.01.2013). Mais il revient au bailleur de prouver que le locataire est bien resté dans les lieux (Cass. 3e civ. 06.04.2011). À cet égard, il peut être utile de faire dresser à temps un PV de constat par huissier.
Conseil. Pour un cautionnement, la précision est de mise. Ainsi, la caution s’engage au titre d’un renouvellement éventuel du bail, cet engagement ne peut être étendu au « nouveau bail issu du maintien dans les lieux » (Cass. 3e civ. 28.11.2012).
3- LE BAIL PROFESSIONNEL